Art de rues. Des spectacles fabuleux pour revisiter l’Histoire médiévale du Maghreb et d’Orient. Rencontre avec l’Armée des Maures et l’un de ses pères fondateurs, Mohamed Ibn Saïd.
L’histoire débute en 2006, lorsque Mohamed Ibn Saïd, alias Mohamed le Fourbe, rencontre Laurent Galiana, alias Nuno Sanç. Etant tous deux passionnées par l’histoire médiévale, ils participent à toutes les fêtes et reconstitutions historiques avec les Chevaliers du Roussillon, mais bien vite il apparait que l’offre proposée sur le marché n’est pas suffisante. Trop cher, trop stéréotypé, le spectacle médiéval dissimule encore un potentiel inexploité et les deux garçons espèrent bien renouveler les codes du genre.
C’est en 2009, avec l’arrivée d’ Angélique Medjebeur, alias la Divine Sherazade, et d’ Anthony Mathurel, alias Maître Feu le Charismatique, que la troupe de Nuno Sanç et l’Armée des Maures voit le jour. Dans la fête médiévale, alors que tous veulent se déguiser en chevalier, en viking ou en templier, eux décident qu’ils joueront les Arabes. Une manière aussi de redonner au Maghreb la place qu’il mérite dans cette longue période de l’Histoire, des Berbères du Maroc aux conquêtes musulmanes d’ Espagne.
L’Armée des Maures est un voyage fabuleux vers les terres d’Orient, le songe d’une nuit arabe pour revisiter une époque oubliée. Des danseuses orientales aux cracheurs de feu, des derbouka et percussions africaines aux explosions d’artifices magiques, des soldats maures en costumes traditionnels aux jongleurs de bâtons enflammés, ne vous laissant entrevoir qu’un court instant derrière les chechs, leurs grands yeux flamboyants. La parade hypnotique peut commencer et vous voilà transporté dans le songe brûlant d’une nuit arabe…
Du spectacle de rue à l'engagement citoyen
Aujourd’hui, la compagnie compte une vingtaine d’adhérents, dont huit engagés sous contrat d’intermittent. Quatre-vingt-dix pour cent de ses recettes sont consacrés à l’emploi, réservé en priorité aux jeunes de 18 à 25 ans, en difficulté pour trouver un travail, huit pour cent sont réservés à l’investissement. L’association ne réclame ni subvention, ni soutien, elle souhaite rester indépendante. La compagnie tourne à deux équipes indépendantes de neuf personnes qui peuvent se produire chacune à deux endroits différents.
Pour tous les membres qu’elle recrute, l’Armée des Maures propose une formation technique et artistique d’un an. Avec la possibilité d’être engagés sous contrats d’apprentis, coachés par un animateur sportif, les élèves suivent des cours de jonglage et de pyrotechnie, une initiation aux feux d’artifices dont ils auront eux-mêmes fabriqué les composants, une formation sécurité incendie… Outre les cours de danse, un atelier archerie, la troupe tient également à sa disposition une vingtaine de reptiles. De quoi former les apprentis charmeurs de serpents.
Dans l’association, on retrouve des bouddhistes, des juifs, des musulmans, des chrétiens… Pas question de faire quelque prosélytisme religieux ou politique. Au contraire, la troupe veut « montrer que derrière l’Islam, on peut fédérer, que, derrière le Maghreb ou l’Orient, existe une civilisation lumineuse qui prône le partage, le don, la générosité ». Pas question d’être prétentieux ou indiscipliné dans l’Armée des Maures, « ce que l’on recherche, ce sont les qualités humaines, l’ouverture d’esprit, des personnes généreuses en recherche de travail (…) Oui clairement, chez nous aussi, c’est l’humain d’abord. »
Coups d’éclat
Depuis sa création, l’Armée des Maures multiplie les coups d’éclat. En 2010, pour le 1er mai, elle emportait le public de la fête médiévale de Jeanne d’Arc à Orléans. En 2011, elle illuminait les Trobades Médiévales de Perpignan. Depuis deux ans, la compagnie entretient un partenariat avec la ville de Vitrolles et la troupe est très fière de voir l’ancien fief du Front National devenir, le temps d’une soirée, celui de l’Armée des Maures.
Son agenda 2012 est bien rempli. Après la fête médiévale des Pennes Mirabeau, le 19 et 20 mai à Marseille, elle se produira à Rodemach (Moselle) du 30 juin au 1er juillet, à Uzerche (Corrèze) et à Montaner (Pays Basque) pour les fêtes du 14 juillet, le 1er aout à Rivesaltes, le 22 et 23 septembre à la fête médiévale de Perpignan…
Et ça marche ! Non contente de traverser la France dans tous les sens, l’Armée des Maures se produit aussi en Corse. En 2011, la compagnie était à Lévie, dans la région de l’Alta Rocca, pour une gigantesque fête médiévale ayant réuni près de 5 000 personnes. Cette année, après avoir fédéré une quinzaine de compagnies venues de tout le continent, elle y retournera le 14 et 15 septembre afin de porter haut le croissant et l’étoile de l’étendard sarrasin, sous l’emblématique drapeau à tête de maure… Aujourd’hui, l’Armée des Maures est également en pourparler avec la ville de Passa pour qu’en 2013 y soit engagée la construction d’un parc à thème médiéval. Que le projet aille à son terme, c’est tout le mal qu’on leur souhaite !
J.Z.
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