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25 janvier 2012

«Hongroyait bien faire…»

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Hongrie. En Hongrie, on souffre depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2012 de la nouvelle Constitution. Imposé par la droite ultraconservatrice et nationalise du ministre-président Viktor Orban, le texte est un ramassis de lois liberticides et réactionnaires qui brule au fer rouge la démocratie. Cet autoritarisme affiché mobilise l’opposition et remue la Communauté européenne.

Au printemps 2010, la faute à une opinion de gauche affaiblie par la rigueur du gouvernement sortant et un fort taux d’abstention, la droite nationaliste du Fidesz remportait les élections parlementaires à une écrasante majorité. A la tête de ce parti issu d’anciens courants chrétiens-démocrates et ultraconservateurs Viktor Orban, celui que l’on surnomme dans l’opposition «le Poutine de la grande plaine». Programme affiché? Religion et nationalisme exacerbé, stigmatisation des populations les plus pauvres, austérité et main mise de l’Etat sur les institutions,…

Droite extrême cherche constitution bienveillante

Les vents de l’opinion soufflant dans le bon sens -le calme plat en vérité- la «Loi fondamentale de la Hongrie» est déposée le 14 mars 2011 par un gouvernement Orban qui monte d’un cran dans l’autoritarisme d’Etat: il s’agit d’établir une Constitution sur mesure pour le pouvoir en place. Profitant d’une marginalisation des partis progressistes MSzP et LMP au Parlement (une seule chambre, les deux tiers étant aux mains du Fidesz), Viktor Orban fait adopter la loi par l’Országgyűlés (Assemblée nationale hongroise) le 18 avril 2011. Le texte entre en vigueur au 1er janvier 2012.

Cocktail explosif

Depuis le début de l’année, les Hongrois n’ont plus que leurs yeux pour pleurer sur la nouvelle Constitution et doivent se mordre les doigts de n’avoir pu empêcher pareille aberration. D’abord, la «République de Hongrie» n’existe plus, il faut maintenant parler de la seule «Hongrie». Désormais, le pays privilégie la bénédiction divine à la démocratie avec l’introduction d'une référence explicite à «Dieu» en préambule de sa Constitution: «Dieu bénisse les Hongrois». Dans un esprit revanchard, la Constitution rend aussi rétroactivement «responsables des crimes communistes» commis jusqu'en 1989 les dirigeants de l'actuel Parti socialiste (ex-communiste).

Société. La Constitution décrète que l'embryon est un être humain dès le début de la grossesse et stipule que le mariage ne peut avoir lieu qu'entre un homme et une femme, excluant les mariages homosexuels. Une loi rend les sans-abri éventuellement passibles de peines de prison.

Institutions. La loi électorale est habilement modifiée, si bien que le Fidesz peut espérer s’arroger une majorité absolue au Parlement en ne recueillant qu’un tiers des suffrages. La durée des mandats des postes importants dans l’administration (justice, police, armée et même Cour constitutionnelle) est allongée. Orban y a déjà nommé ses hommes pour neuf à douze ans…

Economie et finances. La nouvelle Constitution inscrit dans son texte l’application d’un taux unique non progressif de 16% de l'impôt sur le revenu. La TVA passe de 25 à 27%. Outre ces réformes profondément inégalitaires, la loi fondamentale revoit le rôle de la Banque centrale. L'influence du gouvernement est renforcée. Le forint devient constitutionnellement la devise nationale, compromettant une éventuelle future adhésion de la Hongrie à l’Euro.

Média. Après une loi qui entravait la liberté de la presse fin 2010, le gouvernement du ministre président piétine toujours le rôle de contre-pouvoir des médias publics en ce début d’année 2012. Radio, télévision et agence de presse MTI sont regroupés en une seule entité supervisée par le Conseil des médias (MT) composée de fidèles de Viktor Orban. En décembre 2011, alors que des dizaines de journalistes perdaient leur travail, l'unique radio d'opposition, Klubradio, s'est vue retiré sa fréquence (radio qui n’est pourtant pas un infâme bastion bolchevique!) et devrait disparaitre dès le mois prochain.

 

Un contre-pouvoir en Hongrie?

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A droite, pendant que les eurosceptiques d’extrême droite du Jobbik brûlent des drapeaux européens, la droite autoritaire se mobilise en soutien à Orban, faisant étalage de sa force. Samedi, cent mille personnes ont marché à Budapest à l’appel du milliardaire Gabor Szeles et du journaliste Andras Bencsik («Nous ne voulons pas être une colonie!») pour soutenir le ministre-président et s’opposer aux critiques européennes.

 A gauche, face au totalitarisme du système Orban, l’opposition s’était une première fois réunie dans les rues le 2 janvier, au lendemain de l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution. Si, sur le plan politique, l’opposition de gauche et libérale (réunie autour du parti socialiste MSZP et du nouveau parti DK «Charte démocratique», de l’ancien Premier ministre Ferenc Gyurcsany) semble impuissante au Parlement, de nombreux mouvements se forment en parallèle. Parmi eux, Szolidaritás, organisation qui se veut au-dessus des partis, apte à réunir politiques, travailleurs et syndicats pour proposer une vraie alternative à gauche et renforcer les liens avec une société civile encore peu politisée…

Impliquer la communauté européenne

Il aura fallu attendre décembre 2011 pour que M. Barroso, actuel président de la Commission européenne, tourne la tête à l’Est… Et ce, pour s’inquiéter surtout de l’indépendance de la Banque centrale Hongroise! La Commission lance alors trois procédures d’infraction accélérées sur 3 mesures: la remise en cause de l’indépendance de la Banque centrale hongroise et de l’autorité de protection des données personnelles, et l’avancement de l’âge de départ en retraite des juges. Rien sur les mesures – n’ayons pas peur des mots- fascisantes du texte.

Reçu au parlement européen de Strasbourg la semaine dernière, Orban a bénéficié du soutien de diverses droites, notamment du Parti populaire européen (PPE) dont il est vice-président aux côtés de l’UMP et la CDU allemande. Mais il n’a pas pu échapper aux remontrances des députés de la Gauche unitaire européenne, des Socialistes et démocrates (S&D) et des Verts (passons sur la navrante intervention de Cohn Bendit comparant le dirigeant hongrois à Hugo Chavez et Fidel Castro). Marie- Christine Vergiat (Front de gauche) a parlé de lois mettant en danger «la liberté d’expression et le pluralisme des médias, la conception de la nationalité» et qui «mettent en cause la séparation de l’Église et de l’État à travers la survalorisation des valeurs chrétiennes». Pour nombre de députés, la Hongrie pourrait tomber sous le coup de l’article 7 des traités qui permettraient à l’UE de retirer son droit de vote à la Hongrie.

Alors que Victor Orban se rendait mardi à Bruxelles pour parler de ses lois controversées, les pays de l'UE se sont mis d’accord sur d'éventuelles sanctions financières contre la Hongrie pour cause de déficit excessif. Tandis que l’Union européenne durcit le ton, l’opposition s’organise et l’étau se resserre sur Viktor Orban. Entre un pouvoir autoritaire bientôt pris à la gorge et une population qui étouffe depuis déjà un bon moment, gageons seulement que les seconds ne soient pas les premiers à mourir étouffés.

J.Z.

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